Tres Mezquites
Dynamiques d’occupation dans la plaine alluviale du fleuve Lerma (Mexique)
Dates : 2012 - 2020
Problématique et orientations de la recherche
La mise en place d’un terrain de recherche dans une région située à environ 120 km en aval de la vallée d’Acambaro (siège de la culture Chupícuaro), a visé à comprendre la nature et les modalités d’implantation des communautés agraires dans une plaine alluviale du Lerma restée inexplorée sur le plan archéologique. Son but était aussi d’y évaluer l’impact local de changements environnementaux peut-être à l’origine du dépeuplement du massif de la vallée d’Acambaro, et de comprendre le rôle de la plaine alluviale dans les dynamiques qui se mettent en place à l’Epiclassique dans les montagnes du massif de Barajas (développement de sites proto-urbains) et les zones semi-arides du nord du Michoacan, et qui préfigurent des changements sociopolitiques importants, culminant avec l’émergence du royaume tarasque au cours du Postclassique.
Pour comprendre la distribution et la nature des occupations préhispaniques, cinq campagnes de prospection au sol et de sondages se sont déroulées entre 2014 et 2018. L’enregistrement sur le terrain s’est déroulé à une échelle multiscalaire, depuis l’artefact isolé jusqu’au site dans son ensemble. Au total, 1886 ha, soit près de 19km2, ont ainsi été explorés dans la plaine et ses piémonts et 192 sites ont été localisés et hiérarchisés en fonction de leur morphologie, extension, fonction supposée et chronologie d’occupation. Pour connaître la profondeur chronologique de l’occupation dans la vallée, une exploration plus détaillée a conduit à la réalisation de 39 sondages stratigraphiques et trois fouilles extensives, dans un total de 12 sites, qui présentaient tous des dépôts stratigraphiques conservés a priori. Outre les informations chrono-culturelles et fonctionnelles, ces opérations ont aussi cherché à comprendre les processus de formation des contextes archéologiques en lien avec les dynamiques sédimentaires dans la plaine.
Même si la carte archéologique établie à partir des prospections et des sondages ne prétend pas refléter totalement l’emprise spatiale des occupations préhispaniques, ni refléter avec justesse les zones privilégiées d’implantation, il n’en reste pas moins que le territoire prospecté dévoile un maillage de sites particulièrement dense démontrant que les abords du fleuve et la plaine avaient constitué un milieu propice à l’implantation humaine.
Les huit années passées dans cette plaine alluviale ont permis combler des lacunes importantes dans la connaissance des trajectoires de la région et ont permis de répondre à plusieurs des questions à l’origine de nos interventions :
- Bien que les traces d’une occupation préclassique, ie antérieure à 100 AEC, aient été détectées lors des prospections archéologiques, il n’a pas été possible de démontrer, et surtout de comprendre, la nature de cette occupation. Toutefois, nous pensons que la plaine alluviale a bien été habitée par des populations contemporaines de Chupícuaro mais que des processus taphonomiques non compris ont effacé leurs vestiges. La céramique produite par ces populations montre enfin peu de liens avec Chupícuaro.
- Les prospections, sondages et fouilles ont montré une très forte augmentation de sites archéologiques à partir du 3ème siècle EC., et le développement de plusieurs centres civico-cérémoniels. Leurs caractéristiques ont permis d’établir l’existence d’un apogée culturel, et probablement démographique, au cours du Classique (250 – 600 EC), alors que la région était réputée pour avoir été principalement occupée pendant l’Epiclassique, ie entre 600 et 900 EC. Leurs caractéristiques les relient directement à la tradition culturelle de Loma Alta qui s’épanouit dans les bassins lacustres de Zacapu et de Patzcuaro à partir du 1er siècle de notre ère, et qui est perçue comme une héritière de la tradition Chupícuaro. Les grandes similitudes techno-stylistiques et le décalage chronologique entre le début de l’occupation des deux bassins lacustres et celle de la plaine alluviale nous amènent à écarter, pour cette dernière région, une possible progression depuis l’est, le long de l’axe fluvial, des populations affiliées à Chupícuaro pour proposer que la vallée a été colonisée par des populations de tradition Loma Alta en provenance probable du bassin de Zacapu. Nous écartons cependant l’idée d’un mouvement de population de type migratoire pour adopter celle d’une expansion progressive au sein d’espaces propices à l’agriculture.
- L’approche environnementale et l’étude géoarchéologique intra et supra sites s’est centrée sur la question des terres noires qui recouvrent de très nombreux sites ou strates culturelles. Une recherche de témoins d’évènements environnementaux catastrophiques a été amorcée (en lien avec des changements climatiques, secousses sismiques, inondations etc.), afin d’en évaluer les causes et effets sur les populations. Ces terres noires, dans la plupart des cas, sont des dépôts naturels liés à des phénomènes environnementaux brutaux et spectaculaires (glissements de terrain, inondations) qui surviennent entre les 5ème et 6ème siècles EC. Les contextes archéologiques situés sur ce piémont constituent une occasion exceptionnelle pour étudier les liens entre les catastrophes naturelles et la façon dont elles ont été gérées par les groupes humains.
- Nos travaux sur les occupations épiclassiques ont, quant à eux, mis en évidence des continuités et ruptures spatiales et stratigraphiques qui témoignent de reconfigurations territoriales et d’une distanciation culturelle avec les bassins lacustres au profit des traditions du Bajio. Notre hypothèse est que le peuplement du massif de Barajas s’est produit par des groupes originaires de la vallée de Tres Mezquites, cette fois sur un mode migratoire.
Les recherches sur la dynamique de peuplement dans cette plaine alluviale du Lerma ont été diffusées au-travers d’une trentaine de communications dans des congrès internationaux et autres évènements scientifiques, et une dizaine de publications en anglais et espagnol. Elles ont aussi fourni un cadre à la réalisation de plusieurs travaux universitaires au sein de l’université Paris 1 (un doctorat), de l’université de Bordeaux (un M2) et des institutions mexicaines (Instituto de Geología de la UNAM et la ENAH : un doctorat et 4 mémoires de licenciatura ou maestria).
Travaux universitaires réalisés dans la cadre du projet
En France
Alejandra Castañeda (2016-2023)
Doctorat U. Paris 1_ArchAm (contrat doctoral ConacyT)
Interacciones y movilidades entre la planicie aluvial del Lerma y las zonas lacustres de Michoacán durante el Epiclásico (Dir: V.Darras)
Dante Pareja (2015-2016)
Master U. Bordeaux Montaigne (IRAMAT-CRP2A, UMR 5060)
Technologies de production méso-américaines : étude pétrographique et chimique des céramiques Chupícuaro, Tres Mezquites et Loma Alta (100 av. J.C. – 550 apr. J.C.) (Dir: R. Chapoulie)
Au Mexique
Thania García Zeferino (Depuis 2021):
Registros edafo-sedimentarios en la decodificación de la interacción humano-ambiente en poblaciones prehispánicas de México. Tesis de doctorado Posgrado en Ciencias de la Tierra, Instituto de Geología, UNAM (Dir: Elizabeth Solleiro)
Thania García Zeferino (2020)
El suelo como fuente de materia prima para arquitectura de tierra mesoamericana. Tesis de maestría, UNAM, México. Dir : E. Solleiro Rebolledo
Vargas Rodríguez, Daniela Fernanda (2021)
Influencia del material parental y la topografía en el grado de expresión de las propiedades vérticas en los suelos de la cuenca del río Lerma. Tesis de maestría, Instituto de Geología, UNAM. Dir: E. Solleiro Rebolledo
María José Negrete Reyes
Reconstrucción geohistórica del territorio de Puruándiro: análisis de la fronterización durante el siglo XVI en el septentrión novohispano. Tesis de Licenciatura de Geohistoria, UNAM, campus Morelia. Dir: K. Lefebvre
Jorge Pastrana (2024)
Determinación de las funciones sociales de un edificio del Clásico basado en los análisis químicos de su piso: el caso de PA3_El Pitayo, Valle del Lerma, México. Tesis de licenciatura, ENAH, México. Dir : L. Barba (co-dir: V. Darras).
Responsable
Véronique Darras (UMR 8096_ArchAm, CNRS)
Collaborations institutionnelles
Centre d’études mexicaines et centraméricaines, (CEMCA, Mexico)
Instituto Nacional de Antropología e Historia (INAH, Morelia)
Instituto de Investigaciones Geofísicas, UNAM, Morelia.
Instituto de Geología - Departamento de edafología, UNAM, México
Escuela Nacional de Conservación, Restauración y Museografía (ENCRyM, INAH, México)
ARCHEOSCIENCES_UMR 6034, Ex IRAMAT-CRP2A, UMR 5060
Financements et appui logistique
Commission des fouilles du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE, Paris)
Agence Nationale de la Recherche (ANR, programme Mésomobile)
UMR 8096 - Archéologie des Amériques
Centre d’Etudes Mexicaines et Centraméricaines (CEMCA, Mexico)
Membres
Alejandra Castañeda, doctorante, UMR 8096_ArchAm
Karine Lefebvre, GIGA, UNAM, Campus Morelia
Laure Déodat, ITA, CNRS
María Lizeth Hernández, pasante Licenciatura ENAH, Mexico
Camilo Mireles, UDG, Guadalajara / Colegio de Michoacán
Víctor Álvarez, pasante licenciatura, ENAH, Mexico
Isaac Barrientos, UNAM/CEMCA, México
Jorge Pastrana, pasante de licenciatura, ENAH, México