Programme « Archéologie des vallées Tigre-Lerma moyen : de Chupicuaro à Teotihuacan »

Abréviation Projet « Tigre-Lerma »

tigre-lerma

Dates : 2015-2020

Problématique

Le projet « Archéologie des vallées Tigre et Lerma moyen : de Chupicuaro à Teotihuacan » est une prolongation directe du Projet Chupicuaro réalisé entre 1998 et 2013 dans la vallée du fleuve Lerma (Municipes de Jerécuaro et Acambaro, Etat de Guanajuato).

Dans un secteur à cheval entre les hautes terres de l’axe néo-volcanique et les confins semi-arides du haut plateau central mexicain, la culture Chupicuaro s’est développée entre 600 av. J.-C. et le premier siècle avant notre ère. Les groupes Chupicuaros se répartissent alors dans de denses réseaux de sites dont certains présentent une architecture monumentale et produisent un artisanat céramique remarquable de qualité. Le projet « Tigre Lerma » s’intéresse aux processus qui sous-tendent les transformations débutant vers 100 avant J.-C., quand la culture Chupicuaro s’affaiblit et finit par s’éteindre, et 600 après J.-C., quand la région est à nouveau densément occupée. La fin de la culture Chupicuaro est, en effet, un phénomène mal compris. On considère souvent qu’il serait lié à de longs processus de transformation ou bien encore à des conflits et tensions sociales internes. Les travaux entrepris dans la vallée d’Acambaro ont néanmoins mis en évidence des éléments nouveaux qui permettent d’envisager un rôle plus direct de facteurs de changement à la fois environnementaux et socio-économiques qui s’inscrivent dans une perspective macro-régionale. Des études paléo-environnementales ont permis, d’abord, de mettre en avant la possibilité d’une crise liée à une évolution brutale avec la formation d’un paléolac, encore mal datée, vraisemblablement provoquée par un glissement de terrain qui aurait obstrué un étroit passage placé en aval où s’écoule le fleuve Lerma. A la suite de la chute démographique du début de notre ère, subsistent des sites dispersés qui montrent une culture matérielle en nette évolution par rapport à la qualité des productions antérieures, mais aussi un certain nombre d’innovations dénotant d’importantes évolutions idéologiques. Le rôle de Teotihuacan, qui a débuté son ascension à ce moment-là et qui atteint son apogée en 300 après J.-C., doit être ici évoqué. On constate en effet le maintien de sites issus de la tradition locale, sans liens apparents avec l’extérieur, alors que certains autres manifestent une influence de la capitale du Haut Plateau Central. Et c’est seulement à la suite du déclin de Teotihuacan, vers 600 après J.-C. que cette région retrouve une tradition locale à nouveau florissante.

Les questions abordées sont ainsi les suivantes : la fin de la culture chupicuaro est-elle liée à une crise ou à une transition progressive ? Les facteurs environnementaux ont-ils pu provoquer une crise économique et sociale impliquant le départ de population ? S’agit-il de facteurs socio-politiques, militaires ou encore économiques liés à l’émergence et la montée en puissance de Teotihuacan, aboutissant notamment au démantèlement des réseaux d’échange ? Comment et à quel rythme les populations se réorganisent-t-elles ? Comment ces changements se manifestent-ils dans l’idéologie ? Comment et pourquoi les innovations apparaissent-elles ?

Le projet s’articule en trois volets distincts

De la fin de Chupicuaro à l’avènement de l’Epiclassique

L’étude des possibles facteurs déclenchant la fin de la culture Chupicuaro est menée à la fois à une échelle régionale et locale. A une échelle régionale, il s’agit d’abord de compléter la carte archéologique et d’obtenir des informations chronologiques sur la formation du paléolac par la datation des sites se trouvant sous son emprise et de ceux distribués à sa périphérie. Nous nous appuyons sur des relevés de matériel de surface et la réalisation de sondages stratigraphiques permettant d’affiner la chronologie et de mesurer les phénomènes de résilience des sociétés locales. Il est également possible de mieux évaluer les modalités et l’ampleur de la pénétration de Teotihuacan à l’échelle régionale.

A une échelle locale, le traitement des données des fouilles du site El Mezquital-Los Azules précise la chronologie et le déroulement des différentes étapes de transition (abandon, articulation stratigraphique entre matériaux Chupicuaro et Teotihuacan). La disponibilité de nombreux échantillons de charbon et d’ossements aboutit à la mise en place d’un ambitieux programme de datations 14C. Sur le plan de l’interprétation de la présence de Teotihuacan, des analyses chimiques et pétrographiques permettent de distinguer la part des céramiques importées et celle des copies locales. Par ailleurs, l’étude des ossements humains sera complétée par des analyses des isotopes de l’oxygène et du strontium afin de déterminer l’origine locale ou exogène des individus.

Les évolutions dans la sphère idéologique 

Sont abordées par le biais d’études iconographiques, de l’architecture et des pratiques rituelles. Les évolutions observées dans l’iconographie et l’architecture sont ainsi évaluées dans le cadre d’un questionnement portant sur les phénomènes d’adaptation, d’imitation et d’innovation. En réponse à l’introduction de concepts issus de Teotihuacan dans certains sites, et à leur diffusion partielle dans d’autres, la tradition locale s’affirme par une résistance qui s’appuie sur une idéologie spécifique et sur l’excellence de savoir-faire locaux. Enfin, ce thème peut être également abordé grâce à l’étude des traitements sacrificiels ou de découpe post-mortem des cadavres qui sont notamment significatifs de la conception du corps et de l’individu et qui peuvent également s’interpréter en termes de tradition culturelle.

Actions de valorisation du patrimoine, de coopération et d’appui scientifique

Un dernier volet fait enfin une place aux actions de valorisation auprès du Musée de la communauté de Chupicuaro. Créé il y 25 ans, ses collections sont régulièrement enrichies par des dons de particuliers où figurent des pièces céramiques entières, mais aussi des objets fracturés ou grossièrement recollés. Elles présentent également de nombreuses falsifications. Une révision exhaustive de ces collections, incluant la restauration de certaines pièces particulièrement remarquables est envisagée. L’objectif est d’augmenter le nombre des pièces présentées au public et de faciliter l’organisation d’expositions temporaires. Une rénovation des espaces d’exposition permanente et de la muséographie est également à l’étude.

Publications

V. Darras et B. Faugère

2010 – Reacomodos culturales en el Valle de Acambaro (Guanajuato) durante la fase Mixtlán. Segundo seminario-taller sobre problemáticas regionales. El Eje Lerma Santiago durante el Formativo Terminal y el Clásico temprano: precisiones cronológicas y dinámicas culturales, Guadalajara.

Faugère B. et V. Darras

2008 – Gestión del espacio en Chupicuaro : metodología y resultados del estudio del patrón de asentamiento en el valle de Acámbaro, Guanajuato. Tiempo y región. Estudios Historicos y sociales. C. Viramontes ed. p. 177-214, INAH/Municipio de Querétaro/Universidad Autónoma de Querétaro.

B.Faugère, K. Lefèbvre y JF Cuenot

2016 – Circulation of Goods and Communication Routes between the Acambaro Valley and Central Mexico: from Chupicuaro to Teotihuacan. In: Cultural Dynamics and Production Activities in Ancient Western MexicoEduardo Williams and Blanca Maldonado, editors. BAR, Archaeopress, Oxford.

Responsable du projet
Brigitte Faugère (Institut Universitaire de France, Université Paris 1, UMR 8096)
Institutions scientifiques partenaires
ArchAm - UMR 8096
Université Paris 1
Institut Universitaire de France
Université nationale Autonome de Mexico (UNAM)
Université de l’Etat de Mexico
Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH), University of Wisconsin
University of Missouri, Université de Bordeaux
Université Evora (Portugal)
Financement
Institut Universitaire de France
Université Paris 1
ArchAm - UMR 8096, CNRS
Communauté de Chupicuaro
Université Bordeaux (allocation doctorale Sélim Natahi)
Université Evora (analyses biochimiques)
UNAM (bourse Maestria Isaac Barrientos)
Collaborateurs
Isaac Barrientos (anthropologie physique, UNAM)
Beatriz Cervantes et Irene Lopez (Muséographie, INAH).
Brigitte Faugère (archéologie, IUF, Université Paris 1)
Aurélie Manin (archéozoologue, MNHN)
Anne France Maurer (analyses biochimiques, postdoc, Université d’Évora (Portugal)
Diego Mondragon (Musée de Chupicuaro)
Sélim Natahi (anthropologie funéraire, Université Bordeaux)
Yorubyth Nereyda (archéologue, Université Etat Mexico)
Olivier Puaux (archéologue, Ministère de la Culture)
Perla Ruiz (anthropologie physique, UNAM)