Mission archéologique française en Alaska (mafAK)
Fouille de Little Panguingue Creek (HEA-038) vallée de la Nénana, Alaska, États-Unis

 

Dates : 2018-2021

 

Résumé des deux premiers quadriennaux (2013-2016 et 2018-2021)

Née d’un financement du Ministère des Affaires étrangères en 2013, la mission archéologique française en Alaska (mafAK) se structure autour de trois axes principaux : les fouilles archéologiques, la formation d'étudiants français à l'archéologie de la Béringie et l’étude de collections archéologiques majeures.

1er quadriennal. Au cours du premier quadriennal (2013-2016), nous avons mené à bien deux projets distincts dans la région intérieure de l'Alaska. Entre 2013 et 2015, nos recherches dans le secteur de Goodpaster et Volkmar (vallée de la Tanana) nous ont permis de découvrir plusieurs sites préhistoriques. La plupart de ces sites ont livré des industries associées à l'Archaïque du Nord (période Holocène) et peu d'occupations datant de la période Pléistocène. Ces missions se sont déroulées dans une zone qui n'avait jusqu'ici jamais fait l'objet de recherches archéologiques, permettant ainsi la découverte de sites dans un nouveau secteur géographique jusqu'ici archéologiquement vierge, et permettant par la même occasion de préciser le cadre chrono-culturel de l’occupation de la zone Goodpaster-Volkmar depuis le Pléistocène jusqu'aux occupations des Indiens Athabascans. Le matériel lithique découvert sur ces sites ont apporté des informations diverses pour chaque période (diffusion de l'obsidienne, techniques de production du feu, outillage athabascan, etc.). En 2016, la dernière année du quadriennal, la mafAK s’est réorientée sur la fouille archéologique du site de Little Panguingue Creek en collaboration avec le Center for the Study of the First Americans (Texas A&M), un site qui offrait la possibilité d'analyser en détail un atelier de taille relativement bien conservé.

2ème quadriennal. Suite à une année blanche en 2017, le deuxième quadriennal (2018-2021) a eu pour but de poursuivre la fouille et l’étude du site de Little Panguingue Creek. Malheureusement, le programme de fouille n’a pu avoir lieu qu’en 2018 et 2019, puisque les missions sur le terrain de 2020 et 2021 ont été annulées à cause de la crise sanitaire (COVID-19). Outre la poursuite de la zone de fouille principale lors des deux derniers terrains, de nouveaux secteurs ont été testés et fouillés (secteurs 2 et 3). La fouille de la zone principale (secteur 1) a permis de mettre en évidence une unité d’occupation unique (nommée U1, pour « Unité d’occupation n°1 »), c’est-à-dire la présence d’un locus spatialement délimitée. Lors de ce quadriennal, nous avons entamé de nouvelles collaborations, notamment avec Thomas Urban (sondages géophysiques), Auréade Henry (anthracologie), Marylise Onfray (micromorphologie), Eugénie Gauvrit-Roux (tracéologie lithique) et Ester Vidal Ros (modélisation 3D des pièces lithiques). Ce quadriennal se conclue également avec la mise en ligne du nouveau site web de la mission archéologique française en Alaska : www.mafak.cnrs.fr

 

La Préhistoire de la région intérieure de l'Alaska

Le projet s’insère dans la thématique générale du peuplement de l’Amérique et plus précisément dans celui du peuplement de la région intérieure de l’Alaska. Il s’agit d’étudier les vagues migratoires préhistoriques vers le Nouveau Monde, vagues venues d’Asie du nord-est qui se succèdent entre la fin du Pléistocène et tout au long de l’Holocène. Ces vagues migratoires pénètrent à travers la Béringie, c’est-à-dire le pont terrestre qui unissait la Sibérie à l’Alaska. Notre projet se focalise sur la région intérieure de l’Alaska car c’est une région riche en sites préhistoriques qui a certainement joué un rôle majeur dans l’histoire du peuplement du Nouveau Monde. Dans la région intérieure de l’Alaska, les populations qui se sont succédées depuis le Complexe Dénali à la fin du Pléistocène jusqu’aux Indiens Athabascans des périodes historiques, sont des chasseurs-cueilleurs-pêcheurs nomades ou semi-nomades dont une partie de la culture matérielle est représentée par des outils en pierre taillée. Dans les années 1980, un modèle défend l’idée selon laquelle le peuplement initial du Nouveau Monde est le résultat de trois vagues migratoires majeures, mais les nouvelles données génétiques et archéologiques laissent entrevoir un processus de colonisation du Nouveau Monde plus complexe qu’initialement supposé. Les vestiges préhistoriques en Alaska, notamment à la fin du Pléistocène et au début de l’Holocène, témoignent en effet d’une variabilité technologique importante et peut-être de la cohabitation de diverses traditions techniques (complexe Dénali, complexe Nénana, complexe Mésa, complexe Sluiceway, etc.). Nos missions sur le terrain se sont déroulées à deux endroits différents: entre 2013 et 2015 sur le secteur des plaines de Goodpaster, le long de la vallée de la Tanana; et à partir de 2016 sur le site de Little Panguingue Creek dans la vallée de la Nénana. La vallée de la Tanana, à l’est de Fairbanks, est actuellement une des régions de l’Alaska les plus riches en sites préhistoriques. Jusque dans les années 1970, seule une poignée de sites étaient connus dans cette vallée, notamment Donnelly Ridge, Campus et Healy Lake. Ce n’est que dans les années 1990 que de nouveaux sites majeurs ont été découverts et étudiés, tels que Swan Point, Broken Mammoth, Mead ou Gerstle River. La vallée de la Nénana a été l'objet de plusieurs décennies de recherche préhistorique. Au cours des années 1970 et 1980, les travaux de terrain ont conduit à la découverte de plusieurs sites majeurs, notamment Dry Creek, Walker Road, Panguingue Creek et Moose Creek. Dans les années 1990 et au début des années 2000, quelques prospections ont abouti à la mise au jour de sites supplémentaires, dont Houdini Creek et Lucky Strike, les deux ayant des niveaux culturels datant de la période Holocène (9000-8500 cal BP). Grâce à ces études, nous avons maintenant une compréhension correcte du cadre chrono-culturel de cette région lors de la transition Pléistocène/Holocène. La plupart de ces sites contiennent des niveaux stratigraphiques datant du Pléistocène et certaines de ces occupations représentent les plus anciennes de l’Alaska et de l’Amérique du Nord. Des occupations plus récentes existent également puisque les différentes phases de l’occupation humaine de l’Alaska y sont représentées, depuis le Paléolithique supérieur jusqu’aux périodes historiques. Ces sites ont livré des industries lithiques d’une importance capitale pour comprendre les vagues de peuplement et les routes migratoires vers le Nouveau Monde, notamment Swan Point (vallée de la Tanana) et Dry Creek (vallée de la Nénana). Les sites mentionnés ci-dessus sont, depuis plus d’une vingtaine d’années, des références majeures de la Préhistoire de l’Alaska. Pourtant, l’apparition de nouvelles problématiques (adaptation en milieu lacustre, stratégie d’acquisition des matières premières, nouvelles données sur l’industrie osseuse, routes migratoires, etc.) nous mènent à chercher d’autres sites qui permettent d’y répondre. Malgré le nombre relativement élevé de sites préhistoriques, notre connaissance de cette région clé est encore limitée et les nouveaux sites découverts viendront nécessairement combler certaines lacunes et soulever de nouvelles questions.

 

Approche paléoethnologique.

Les données obtenues montrent l’intérêt d’une étude multidisciplinaire, de l’approche paléoethnologique et de la nécessité d’ouvrir de plus grandes aires de fouille car d’autres unités d’occupation (locus ou sites) sont probablement à proximité. Notre but ultime est de développer une démarche d’analyse spatiale et d’approche paléoethnologique. En Alaska, nombreux sont les sites étant fouillé sur quelques mètres carrés uniquement, et lorsque les sites sont fouillés sur de plus grandes aires, ces approches sont rarement mises en œuvre. Quelle est l’importance de cette approche paléoethnologique? Il s’agit tout simplement d’un autre niveau d’analyse, qui permet non seulement de dégager les grandes tendances chrono-culturelles de ces groupes, mais également d’observer plus en finesse certains aspects de l’organisation de la vie sociale (présence d’apprentis, organisation du campement, gestion des ressources ligneuses, types d’activités, etc.). Afin d’obtenir cette vision générale du campement, il est nécessaire d’élargir les techniques de détection des occupations, les prospections, les secteurs analysés, les zones de fouille et les types d’analyses. Seule cette ambition pluridisciplinaire et paléoethnologique à grande échelle permettra de comprendre le site dans sa globalité : du tailleur, à l’aire d’activité, au campement, jusqu’à l’environnement qu’il occupe.

Responsables
Yan Axel GÓMEZ COUTOULY (UMR 8096 ArchAm, CNRS)

 

Collaborateurs et institutions partenaires
Kelly E. GRAF (University of Texas A&M)
Ted GOEBEL (University of Texas A&M)
Angela K. GORE (University of Texas A&M)
Thomas M. URBAN (Cornell University)
Caroline HAMON (UMR 8215 Trajectoires, CNRS)

 

Financements
Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE)
Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV)
University of Texas A&M
UMR 7055 Préhistoire et Technologie
UMR 8096 Archéologie des Amériques

 

Site web de la mission
https://www.mafak.cnrs.fr/

 

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