Étude du mobilier métallique colonial des Antilles françaises
Projet Collectif de Recherche
Dates : depuis 2022
Problématique
Au sein des contextes archéologiques d’Amérique, il apparait que l’archéologie coloniale aux Antilles françaises ou en Guyane française s’est développée tardivement puisque la recherche a toujours mis l’accent sur l’étude des sites précolombiens. En conséquence, la grande majorité du mobilier provenant de ces occupations a été exhumée mais est restée quasi absente des rapports de fouille et de diagnostic, à l’exception de la vaisselle. Cet héritage de la période coloniale se limite généralement à quelques photographies sans faire l’objet d’une réelle analyse des corpus avec recontextualisation et mises en comparaisons régionales, nationales et internationales.
La concrétisation des programmes de recherche évoqués plus haut s’est notamment appuyée sur les fouilles archéologiques préventives menées aux Antilles françaises et en Guyane française depuis les années 80-90. Néanmoins, il faut remonter à une quinzaine d’années pour que l’étude du mobilier métallique colonial soit réalisée de manière quasiment systématique sur toutes les fouilles archéologiques préventives des Petites Antilles françaises (Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy) comme cela est le cas en métropole.
La décision de lancer un Programme Collectif de Recherche sur l’étude et le réexamen du mobilier métallique colonial découvert sur les sites archéologiques des Antilles françaises est entièrement liée à une carence dans le traitement de ces objets en archéologie préventive et programmée.
En effet, même si aujourd’hui, ce mobilier métallique colonial est systématiquement étudié lors de la post-fouille archéologique, certains objets restent difficilement identifiables en raison de l’absence de traitement et d’analyse. Jusque récemment, ces objets ne faisaient d’ailleurs pas l’objet d’étude archéologique avec catégorisation fonctionnelle, rapprochement chronologique et comparaisons. De facto, les objets métalliques sont très rarement identifiés dans les rapports d’opérations préventives ou programmées, engendrant un important manque dans l’analyse des sites.
A ce titre, les ferreux et les alliages cuivreux venant des Antilles sont très rarement radiographiés en raison de l’absence de laboratoires d’analyses spécialisés en Guadeloupe et en Martinique. En conséquence, quand certains objets restent indéterminés alors qu’ils pourraient être compréhensibles grâce à cet examen comme c’est le cas des fragments et plaques, d’autres ne livrent pas leurs caractéristiques typochronologiques comme les pannetons des clés ou les étampures des fers d’équidés, arguments qui facilitent leurs datations.
De plus, selon l’état de conservation, quelques objets en alliage cuivreux ne peuvent pas toujours être lisibles en raison de la corrosion qui masque les détails comme c’est le cas des boutons ou des monnaies. Pour pallier à ce manque, un nettoyage pour étude de ces objets aurait pu être préconisé.
Ainsi, le but du PCR est de (ré)examiner les objets métalliques caractéristiques qui n’ont pas été étudiés, ou très partiellement par manque de moyens (techniques et financiers) voir non identifiés afin de créer un premier référentiel solide permettant de faciliter les études et comparaisons ultérieures. Dans ce cadre, ce réexamen d’objets ciblés passera par un traitement radiographique et un nettoyage pour étude ce qui permettra une expertise plus poussée. Cette analyse complémentaire, en particulier la radiographie, amènera sans nul doute des informations sur la fabrication et l’origine de ces objets. On peut notamment évoquer la mise en évidence de marques de fabrique avec la découverte d’estampilles et de poinçons ou encore une meilleure connaissance de la durée de vie d’un objet comme sa réparation voire sa refonte.
En conclusion du réexamen de ce mobilier métallique des Petites Antilles, les membres du PCR auront pour finalité la publication d’une synthèse monographique sur ces objets dans le but de mieux guider les recherches futures grâce à une collection de référence venant à la fois des fouilles archéologiques terrestres préventives et programmées, la bibliographie archéologique sur le sujet et ce contexte étant actuellement très pauvre.
Campagne 2023 : l’étude du mobilier métallique du site de l’habitation Périnelle, Saint-Pierre (Martinique), XVIIe s. → 1902
Lors de cette première campagne d’étude, à valeur de test pour cette première année probatoire du Programme Collectif de recherche, ce sont les objets métalliques mis au jour sur le site de l’habitation Périnelle à Saint-Pierre, issus des fouilles anciennes réalisées entre 1992 et 2001 sous la direction de Serge Veuve (AFAN[1]) ✝, qui ont été examinés.
Dans un second temps, les données récoltées lors de ce travail d'inventaire consisteront à dresser un premier bilan sur le corpus de ce site emblématique de la période coloniale de la Martinique.
A la suite de cet inventaire, une classification dégageant des catégories fonctionnelles propres à chaque objet a été établie. Cette sélection a permis de mettre en avant certains aspects de l’étude notamment l’aspect chronologique: avec trois grandes phases d’occupation du site fin (XVIIe-XVIIIe s., XIXe s. & fin XIXe s.-1902).
En complément, en dehors de la datation des objets archéologiques, de premières problématiques ressortent:
- la présence d’objets liés à l’activité militaire (armement, éléments d’ornementation, etc.)
- la parure avec l’apparition marquée d’éléments d’orfèvrerie typiquement créole
- l’ameublement de luxe (appliques ornementales, lustres, luminaires, couverts, statuaires)
- l’outillage, lié à l’activité sucrière mais également à d’autres activités artisanales: bourrelier/cordonnier ?, charpenterie, forge…
- les éléments liés à l’esclavage
- la mise au jour d’un trésor monétaire concentrant plusieurs dizaines de monnaies rassemblées dans une boîte en fer dont les pièces en bronze s’échelonnant entre le règne de Charles X et 1899
Evidemment, après examen, les objets seront remis en contexte avec une reprise des plans anciens issus des rapports de fouille, la localisation du mobilier dans chaque entité (bâtiment, case, etc.) et l’établissement d’un SIG, afin d’apporter une dimension archéologique et spatiale.
Publications
2023 – J. Soulat - avec la collab. de S. Guillon, Y. Le Roux, Un pendant en argent découvert sur l’Habitation Loyola (Guyane française). Témoin du lien avec la population amérindienne au XVIIIe siècle ?, Cahier LandArc, 52, 10 p. https://landarc.fr/fr/cahiers
2021 - J. Soulat, A. Coulaud, – Les garnitures de shakos du XIXe siècle du Fort Saint-Louis de Fort-de-France (Martinique) : témoins du passage des troupes de l’Ancien Régime à la Restauration, Cahier LandArc, 43, 10 p. https://landarc.fr/fr/cahiers
- Soulat – « De l’exotisme en Métropole aux XVIIe-XVIIIe siècles ? Commerce et artisanat de l’écaille de tortue marine à travers les témoins archéologiques », in : M. Figeac (dir.), Echanges et métissage des cultures matérielles entre la Nouvelle-Aquitaine et les outre-mers (XVIIIe- XIXe siècle), Publications de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, p. 63-71.
- Coulaud, J. Soulat – « Les échanges entre la France et ses colonies d’Amérique (Petites Antilles - Guyane) à travers l’étude du mobilier métallique (XVIe-XIXe s.) », in : M. Figeac (dir.), Echanges et métissage des cultures matérielles entre la Nouvelle-Aquitaine et les outre-mers (XVIIIe- XIXe siècle), Publications de la Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, p. 37-52.
2019 - J. Soulat, A. Coulaud, avec la collaboration de F. Casagrande, J.-P. Nibodeau – Les fourchettes à extrémité tréflée en alliage cuivreux datées entre la 2ème moitié du XVIe et la 1ère moitié du XVIIIe siècle : témoins des échanges transatlantiques, Cahier LandArc, 34, 9 p. https://landarc.fr/fr/cahiers
2016 - J. Soulat – « L’artisanat de l’écaille de tortue marine sur le site de la Cour Napoléon, Grand Louvre, Paris (1er arr.) aux XVIIe-XVIIIe siècles : témoin de l’exotisme des petites Antilles », Revue archéologique d’Île-de-France, 9, p. 299-231.
- Soulatavec la collaboration de Solazzo (C.) – Des Caraïbes à la Métropole : Artisanat et commerce des peignes en écaille de tortue marine à l'époque Coloniale, Journal of Caribbean Archaeology, 16, 37 p. https://www.floridamuseum.ufl.edu/jca/
[1] Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales
Responsable
Alexandre Coulaud, Inrap Nouvelle Aquitaine
Jean Soulat, Laboratoire LandArc, UMR 8096 ArchAm
(Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
Institutions scientifiques partenaires
Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP), Laboratoire LandArc
Direction des Affaires Culturelles de la Martinique, Service de l’Archéologie
Direction des Affaires Culturelles de la Guadeloupe, de Saint-Martin & Saint-Barthélemy, Service de l’Archéologie
Collaborateurs
Jean Soulat, Laboratoire LandArc, UMR 8096 Archam (Université Paris I Panthéon-Sorbonne)
Nicolas Portet, gérant Laboratoire LandArc
Inoncencia Queixalos, restauratrice Laboratoire LandArc
Emmanuel Barthélémy-Moizan, Service de l’Archéologie, Direction des Affaires Culturelles de la Martinique
Gwenola Robert, Service de l’Archéologie, Direction des Affaires Culturelles de la Guadeloupe et des Îles du Nord
Financements
Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP)
Laboratoire LandArc
Direction des Affaires Culturelles de la Martinique, Service de l’Archéologie