Programme Préhistoire du Birnirk et origine de la culture Inupiaq

Birnirk Prehistory and the emergence of Inupiaq culture in Northwestern Alaska: archaeological and anthropological perspectives

 

birnik-bandeau

 

 

Dates : 2015-2019

Problématique

Le détroit de Béring et la côte nord de l’Alaska ont toujours été un lieu d’interaction, crucial pour le peuplement de l’Amérique et, plus récemment, de l’Arctique. Le projet, qui a été retenu par la National Science Foundation pour trois ans (NSF-ARC#1523160) ainsi que par la commission des fouilles à l’étranger du MAEDI, concerne la question de l’origine de la culture Inuit (Inupiaq) sur la côte nord-ouest de l’Alaska à la fin du 1er millénaire et au début du 2e millénaire apr. J.-C. Pluridisciplinaire et international, il se propose de définir l’histoire culturelle locale, les interactions sociales, la diversité populationnelle et les changements environnementaux de la région à partir de données qui seront collectées sur le site Birnirk « The Rising Whale Site » (KTZ-304) au Cap Espenberg, tout au nord de la péninsule Seward. Cette recherche fait suite au projet dirigé par J. F. Hoffecker et O. K. Mason, Human Response to Climate at Cape Espenberg AD 800-1400 (NSF-ARC#0755725), au cours duquel la découverte et de premières fouilles du site KTZ-304 ont eu lieu. Deux nouvelles campagnes de terrain sont prévues en vue de reconstituer les conditions culturelles, sociales et environnementales qui ont mené à l’émergence de la culture thuléenne, elle-même ancestrale des Inupiat.

Ce programme est né d’une collaboration entre des chercheurs d’instituts nord-américains, français et la communauté de Shishmaref.

  • Faut-il considérer les changements constatés aux alentours de l’an mille comme résultant de l’arrivée de populations nouvelles du Nord de la Chukotka ou comme le développement progressif de populations déjà présentes localement ?
  • Qui étaient les groupes « Birnirk » généralement regardés comme ayant fortement contribué au Thuléen ?
  • Dans quels contextes environnemental et climatique ce changement culturel et potentiellement génétique a-t-il eu lieu ?

En se fondant sur les données des terrains passés et futurs, on analysera, de façon intégrée, données archéologiques, paléogénétiques, environnementales et ethnologiques pour tenter de résoudre la question d’une possible césure culturelle autour de 1000 apr. J.-C. avec ses implications sur les développements culturels postérieurs qui ont mené à la culture Inupiaq sur le littoral alaskien et Inuit dans l’Arctique canadien. En travaillant étroitement avec les Kigiqtaamiut de Shishmaref qui ont des liens ancestraux avec le cap Espenberg, un des objectifs est de développer aussi une interprétation plus largement « réflexive », qui tienne compte du contexte socio-politique dans lequel les interprétations sont formées. Il s’agira en effet d’étudier l’interprétation locale qui est donnée de la culture matérielle et des habitations anciennes visibles dans le paysage et l’usage qui est fait aujourd’hui de ces vestiges dans le processus de narration Inupiaq du passé historique.

 

Le cap Espenberg et le site KTZ-304 « The Rising Whale Site »

Le cap Espenberg est une flèche littorale de 2 km N-S et 30 km O-E, occupée depuis plus de 4000 ans et composée d’une succession de cordons dunaires, fruits de la formation de plages et de dunes lors des périodes de fortes activités cycloniques, mais connaissant, à l’inverse, de l’érosion lorsque les conditions sont plus calmes. Les cordons les plus récents E-5 à E-2 (occupation thuléenne, postérieure à 1300 apr. J.-C.) sont plus élevés que E-6 et reflètent probablement une intensification des vents du large et des cycles de tempêtes, associée aux conditions du petit âge glaciaire localement postérieur à 1400 apr. J.-C. Le cordon E-6 est celui qui contient le site birnirk, KTZ-304, « the rising whale » qui consiste en une douzaine d’habitations semi souterraines à l’architecture plus complexe que celles clairement thuléennes retrouvées sur E-5. Les structures F.21 et F.12, dont la fouille sera poursuivie et achevée dans le cadre du projet, sont caractérisées par une superposition d’occupations (au moins trois niveaux dans F.12) et des petites pièces multiples reliées par des couloirs. L’analyse des premiers carottages pédologiques ne résout pas la question de la stabilisation et de la troncature du paléocordon E-6 qui pourtant fournirait un terminus post-quem pour le début de l’occupation des structures. Le début de l’occupation de F.12 remonte au moins à 1000-1100 apr. J-C., ce qui fournit un âge avant lequel le cordon s’est formé, mais pas nécessairement celui de la troncature. Or les niveaux les plus profonds du cordon E-6 et de F.12 n’ont pas été atteints en 2011. On pense néanmoins que les occupants du site se sont installés sur E-6 une fois ce dernier stabilisé. Les collections d’artéfacts recouvrées en 2010-2011 et, plus spécifiquement, celles de F.12 montrent des liens forts avec le site éponyme Birnirk au nord de l’Alaska et avec plusieurs sites sibériens, certains à plus de 1000 km du Cap Espenberg comme le Cap Baranov en Sibérie à l’embouchure de la Kolyma. Un ensemble d’éléments présents – têtes de harpon, obsidienne, objets en bronze, pâtes céramique, fragments de fer, élément d’embarcation – mais également certaines absences – néphrite, ambre – et une plus grande dépendance du caribou sont autant d’indices qui soutiennent l’idée que les Birnirk du Cap Espenberg sont des groupes probablement mobiles, nouvellement arrivés dans la région et qui ont pu continuer à entretenir un réseau d’échange étendu avec l’Asie.

Publications

Alix C., O. K. Mason, N. H. Bigelow, S. L. Anderson, J. Rasic, J. F. Hoffecker 2015. Archéologie du cap Espenberg ou la question du Birnirk et de l’origine du Thule dans le nord-ouest de l’Alaska, Les Nouvelles de l’Archéologie 141: 13-18.

Mason O. K., C. Alix, N. H. Bigelow, J. F. Hoffecker 2014. Cultural Implications of Out-of-Phase Weather across northern Alaska after 500 CE: Regional Variability during the Medieval Climate Anomaly and Little Ice Age, poster présenté à l'Annual Fall Meeting of AGU (American Geopgysical Union), San Francisco.

Vanlandeghem M., C. Alix M. Elliott, I. Théry-Parisot 2015. Thule fuel management at Cape Espenberg (N-O Alaska): experimental protocol and dataset from current driftwood deposits and archaeological charcoal remains, poster présenté au 6th International Anthracology Meeting. Local to Global Significance of Charcoal Science, University of Freiburg, Allemagne, 30 août-6 septembre 2015.

 

Responsables 
Claire Alix
(université de Paris 1, UMR 8096 / University of Alaska Fairbanks, UAF)
Owen K. Mason
(INSTAAR, University of Colorado), Dennis O’ Rourke (University of Kansas)
Shelby Anderson
(Portland State University)
Institutions scientifiques partenaires (outre l’UMR 8096)
University of Alaska Fairbanks,
Alaska Quaternary Center, College of Natural Sciences and Mathematic (CNSM),
Division of Research
INSTAAR, University of Colorado
University of Kansas
Portland State University
UMR ArScAn (7041) (Équipe archéologie environnementale)
Financements
National Science Foundation, Arctic Polar Program (Social Sciences)
Ministère des Affaires étrangères et du développement international
Université de Paris 1, Panthéon-Sorbonne (contrat doctoral Marine Vanlandeghem)
UMR 8096 Archéologie des Amériques
Collaborateurs
Claire Alix (université de Paris 1,UMR 8096)
Shelby Anderson (Portland State University)
Nancy Bigelow (University of Alaska Fairbanks)
Amber Lincoln (Bristish Museum, London)
Chris Maio (University of Alaska Fairbanks)
Lauren Norman (Kansas University)
Owen K. Mason (INSTAAR)
Jeff Rasic (National Park Service)
Dennis O’ Rourke (Kansas Universivty)
Monica Shah (Anchorage Museum)
Michelle Elliott (UMR 7041, ArScAn)
Isabelle Théry-Parisot (CNRS-CEPAM, UMR 7264)
Julia Watez (INRAP, UMR 5140 Archéologie  des  Sociétés méditeranéennes)
Doctorants impliqués dans le projet
Marine Vanlandeghem (UMR 7046)