CHOQEK’IRAW-CHANKA
Dates : 2007-2011
Rappels des objectifs
Placé dans la continuité du projet Choqek’iraw, réalisé sur le site de Choqek’iraw entre 2004 à 2006, ce nouveau projet vise à en préciser les résultats. En effet, la découverte, dans certains secteurs de Choqek’iraw, de structures de plan circulaire, associées à un matériel céramique local de tradition Killke, daté de la période Intermédiaire Récente (entre le 12e et le 14e siècle), remettait en question les hypothèses formulées par la plupart des archéologues péruviens selon laquelle son occupation se réduirait à l’époque inca. Si le lieu avait bien été fondé et occupé par des populations antérieures aux Incas, il convenait de chercher à identifier ces dernières dans les environs mêmes du site. Cela nécessitait donc, pour commencer, une prospection détaillée dans les régions limitrophes de Choqek’iraw pour tenter de retrouver des vestiges qui pouvaient leur être attribués.
Les activités développées
Trois prospections, menées dans la région de Chungui, département d’Ayacucho, en juillet et août 2007 et 2008, et de Huaccana, département d’Apurimac, à 50 km au sud-ouest de Choqek’iraw, en juillet 2010, confirment ces données. Elles témoignent d’une importante occupation régionale qui s’amorce dès la période formative (± 500 av. J.-C. – 200 apr. J.-C.) avec 4 sites identifiés, se poursuit au cours de la période Intermédiaire ancienne (-200 + 400, avec un site répertorié), pour s’accentuer durant l’Horizon Moyen (de 600 à 1 000 apr. J.-C.), avec cinq sites de tradition Wari. Elle s’amplifie considérablement lors de l’Intermédiaire Récent (1000-1400) et de l’Horizon Récent ou Inca (70% des sites recensés datent de ces deux époques). La plupart de ces sites sont des villages fortifiés (pucara) sur la ligne de crête des principaux massifs régionaux qui sont fréquemment réoccupés par les Incas.
Le nombre et l’importance des établissements confirment le rôle stratégique de la région étudiée. Depuis ces citadelles d’altitude, aux fonctions apparemment multiples (défensives, rituelles), il était en effet facile aux habitants d’observer l’intégralité de leur territoire, notamment les cours des ríos Pampas et Apurimac.
Les quelques autres sites répertoriés correspondent à des inhumations sous abris rocheux, contemporains des villages. On note également des vestiges de terrasses, plus difficiles à dater, ainsi que la présence d’anciens chemins, de datation là encore incertaine, en raison de leur constante réutilisation par la population locale.
Les acquis
Les prospections menées sur la région étudiée ont révélé l’existence de trois traditions céramiques, jusque-là peu connues. La première, datée de l’Horizon Formatif se caractérise par des décors modelés et incisés apparentés à ceux du style Muyu Moqo, inventorié dans les régions voisines d’Andahuaylas (Grossman, 1967). La seconde, légèrement plus tardive, se singularise par la présence de motifs linéaires peints en rouge ou noir sur un fond gris-blanc. Elle semble être affiliée au style « Huarpa », de la période Intermédiaire ancienne (±200-500 apr. J.-C.), originaire des régions orientales et méridionales du département d’Ayacucho. La dernière tradition correspond au type Qashisqo de la vallée d’Ayacucho, daté des XIe et XIIe siècles (Lumbreras, 1975). Ce matériel se caractérise essentiellement par la présence de grandes jarres au col orné d’un visage anthropomorphe qui est marqué par de larges yeux modelés en relief, particulièrement expressifs. La forme de ces récipients et les traits de ces visages suggèrent des apports stylistiques à la fois andins et amazoniens, ce qui pose le problème de l’origine des groupes en présence et de l’ancienneté de l’occupation régionale.
Méthodologie
En amont du travail de terrain, toute une phase d’observation de photographies aériennes et d’images satellites de haute définition, via le logiciel Google Earth, a été mise en place. Ce travail préliminaire a permis de détecter de nombreux sites avant de se rendre sur le terrain et a fortement orienté la recherche. Sur le terrain, un GPS (Garmin 60CX) est utilisé pour cartographier tous les sites et garder une trace des chemins parcourus. Les données sont ensuite enregistrées et analysées sur un SGBD (FileMaker) et sur un SIG (ArcGis 9.3).
Cette méthodologie innovatrice, utilisée pour les prospections menées en 2007 et 2008, a fait l’objet d’un article publié dans la revue "Les Nouvelles de l’Archéologie" (Deodat et Lecoq, 2009) et d’un poster présenté dans le colloque sur les analyses spatiales qui s’est tenu à Amsterdam, en février 2010 "Landscape Archaeology Conference" (Déodat et Lecoq, 2010 et sous presse).
Perspectives
La mission de 2011 devra s’efforcer de préciser les résultats obtenus au cours de ces trois dernières années, par la fouille de plusieurs structures d’habitat, d’un site encore bien conservé.
La fouille par décapage de trois ou quatre d’entre elles permettrait de déterminer l’ancienneté de leur occupation, les activités qui y étaient réalisées et, par la même, l’organisation de l’espace domestique. Elle devrait également permettre de préciser la chronologie relative établie à partir du matériel céramique de surface recueilli lors des trois prospections menées, dans la région, depuis 2007, et répondre aux objectifs que nous nous sommes assignés à la fin du projet Choqek’iraw.
Bibliographie sélective
BAUER, B. y L.C Kellet. 2010. “Cultural transformations of the Chanka homeland (Anda-huyaylas, Per) during the Late Intermediate Period (A.D.. 1000-1400)”, Latin Ameri-can Antiquity (21 (1), p. 87-111.
DEODAT L. et P. LECOQ, 2009.-« Images satellitaires et prospection archéologique : un cas d’école dans les Andes péruviennes », Les Nouvelles de l’Archéologie, N° 117, octobre, Paris, pp. 57-61,.
DEODAT L. et P. LECOQ, 2010. “Using google earth and gis to survey the andes in peru », Poster Cession, 1st International Landscape Archaeology Conference 2010, 26-29 January 2010, VU University Amsterdam, The Netherlands
GONZALEZ CARRE E. y D. POZZI-ESCOT. 1992.- “Arqueología regional de Ayacu¬cho : Balance y Bibliográfica Básica”, Gaceta Arqueológica Andina, Vol. VII, N° 21, Lima, pp : 173-196.
GROSSMANN, 1967., Early ceramic cultures of Andahuaylas, Apurimac, Ph.D., University of California, Berkeley.
LUMBRERAS L. G., 1975.- Las fundaciones de Huamanga,Hacia una prehistoria de Ayacu-cho, Lima, 239 p y 106 laminas.
SAINTENOY T. En préparation. Choqek’iraw et la vallée de l’Apurimac : Paysages et Socié-tés préhispaniques tardives. Thèse de doctorat de l’Université Paris 1.
SCOTT RAYMOND James, 1972.- The cultural remains from the Granja de Sivia, Peru : an archaeological study of tropical forest culture in the Montaña. PH.D., University of Illinois at Urbana-Champaign, Illinois, 249 p.
VIVANCO POMACANCHARI, C., 2005.- “El tiempo de los purun runas o chankas en la cuenca de Qaracha, Atacucho (Perú)”, en : Pasiones y desencuentros en la Cultura andina, Hiroyasu Tomoeda y Luis Millones Edit., Fondo editorial del Congreso del Perú, Lima, pp : 1329.
Responsables
Patrice LECOQ, (Université Paris 1, UMR 8096)
Cirilo VIVANCO, (Université San Cristobal de Huamanga, Ayacucho)
Responsable des opérations de terrain
Laure Déodat, (UMR 8096)