BARAJAS I

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Dates : 1998-2009

Problématique et orientations de la recherche

Le projet Barajas a visé à éclairer la nature des changements socio-politiques qui marquèrent la Mésoamérique septentrionale entre 500 et 1000 apr. J.-C. et qui aboutirent à l’abandon de ces territoires par les populations sédentaires mésoaméricaines. D’après les sources ethno-historiques, les mouvements de population engendrés par ce processus seraient étroitement liés à la formation des États toltèque, puis aztèque et tarasque. Le programme de recherche s’est concentré plus spécifiquement sur un ensemble de sites localisés sur un massif volcanique au sud-ouest du Guanajuato. Les recherches menées depuis en 1998 ont été organisées autour des objectifs suivants :

— appréhender les modalités de l’implantation préhispanique sur le massif de Barajas afin de définir l’organisation spatiale des sites ;
— établir une séquence chronologique fiable permettant de dater l’occupation des sites étudiés ;
— élucider la fonction des structures repérées en surface par la réalisation de dégagements plus ou moins extensifs ;
— étudier les pratiques funéraires par la fouille systématique d’ensembles sépulcraux ;
— replacer les sites du Barajas dans les réseaux d’échanges régionaux ;
— restituer certains aspects de l’environnement préhispanique.

Nous insisterons ici sur les recherches effectuées depuis 2005.

Analyse spatiale des habitats
L’étude des habitats ordinaires a été une des priorités des travaux menés ces dernières années. En effet, les opérations de terrain développés antérieurement avaient accordé une place prépondérante aux structures monumentales au détriment des témoins d’occupation plus modeste. Seules les structures souterraines liées au stockage avaient fait l’objet d’une étude systématique qui a permis de recueillir de précieuses informations sur l’organisation économique des habitants du massif (Bortot 2007). En revanche, la grande quantité de vestiges correspondant aux habitations ordinaires avaient été largement sous-étudiée. Pour comprendre la société préhispanique du Barajas dans sa globalité, il était donc indispensable de combler cette lacune, d’où la mise en œuvre d’analyses à différentes échelles.

À l’échelle des sites
Nous avons cherché à obtenir des données plus complètes sur l’organisation des structures et autres aménagements anthropiques. Pour cela, il a fallu localiser et enregistrer plus systématiquement les structures visibles en surface quel que fût leur état de conservation. Deux grands sites d’habitat ont été privilégiés : El Moro et Camposanto ont fait l’objet d’une prospection systématique qui a abouti à la localisation au GPS de plus de 300 structures correspondant, pour l’essentiel, à des habitations simples. Les autres sites ont tous été re-parcourus avec des informateurs locaux, ce qui a permis d’ajouter une centaine de structures supplémentaires à celles qui étaient déjà connues. Au terme de ces opérations, nous disposons à présent d’une carte archéologique nettement plus complète des sites, ce qui permet d’appréhender l’organisation de la population dans son ensemble. Il est prévu de réaliser un SIG afin d’optimiser l’exploitation des très nombreuses données recueillies.

À l’échelle d’un groupe d’habitat
Le but de cette opération était d’appréhender l’organisation interne des zones d’habitat en augmentant la résolution de l’enregistrement. Pour cela, nous avons sélectionné un groupe de structures localisées dans la portion nord-est du site d’El Moro où nous avons programmé, en outre, la fouille extensive de plusieurs habitations (voir ci-dessous). En 2005 puis en 2006, une surface de plus de 4 ha a été topographiée à l’aide d’une station totale afin d’obtenir un enregistrement précis des diverses structures présentes autant que du relief naturel et des aménagements anthropiques de la zone (les terrasses agricoles en particulier). Dans ce secteur, on compte une dizaine de terrasses d’habitat simples, un groupe résidentiel de rang intermédiaire et deux petits édifices cultuels.

À l’échelle des unités habitations
Les fouilles extensives réalisées dans ce même secteur ont permis d’obtenir des données inédites sur l’organisation interne des habitations, les activités qui s’y déroulaient ainsi que sur quelques bâtiments à fonction rituelle qui leur étaient associés. Un total de six structures a été intégralement étudié. Quatre d’entre elles (11L, 11M, 11N1, 11N2-3) correspondent à un habitat groupé. Une cinquième (6A) se situe à l’extrême ouest de la zone topographiée tandis que la sixième (29B) se trouve en périphérie du site d’El Moro. La méthode employée pour la fouille est celle du décapage horizontal des sols et de l’enregistrement planimétrique des vestiges. En outre, des prélèvements systématiques d’échantillons sédimentaires ont été effectués afin de déterminer, par des analyses chimiques, l’existence de contaminations liées à la réalisation d’activités particulières.
Sur les six structures fouillées, seules quatre (11L, 11M, 11N1 et 29B) correspondent à des habitations, mais l’une d’elles (11L) a été trop altérée par les activités agricoles modernes. Les trois autres correspondent à trois des types de bâtiments les plus répandus sur les sites du Barajas. La structure 29B représente le module le plus simple : il s’agit d’une maison quadrangulaire à une seule pièce et de dimensions modestes (14 m2). La structure 11N1 est une habitation rectangulaire d’environ 30 m2 munie d’une pièce principale et d’une petite pièce annexe. Enfin, 11M est un bâtiment rectangulaire allongé (50 m2) qui comporte trois subdivisions internes.
Les espaces intérieurs de chacune de ces unités ont livré des vestiges qui permettent de caractériser l’organisation des activités. Dans certaines pièces ou secteurs, on note des concentrations de récipients et d’outils qui témoignent d’activités spécifiques. Le cas de la structure 11N1 est particulièrement intéressant car nous y avons trouvé une grande quantité d’objets conservés en place sur les sols. L’analyse spatiale de ces structures et de leur matériel est en cours.
Outre les quatre bâtiments domestiques, deux structures dont l’architecture et les vestiges évoquent une fonction rituelle ont été fouillés. L’une d’elles (11N2-3) a été construite sur la même terrasse que 11N1 et elle est, par conséquent, étroitement liée à ce groupe résidentiel. Il s’agit d’un bâtiment qui semble avoir eu une fonction funéraire et qui a servi également à des rituels communautaires. La structure 6A, quant à elle, localisée à distance du groupe d’habitation fouillé, présente toutes les caractéristiques d’un petit temple de quartier.

L’étude des pratiques funéraires
Les sépultures mises au jour lors de la fouille de la structure 11N2 ont permis d’augmenter un peu plus l’échantillon de population inhumée du massif. Nous disposons actuellement de données sépulcrales issues de quatre sites (Nogales, El Moro, Camposanto, Yácata el Ángel) qui ont pu être datées par AMS entre 650 et 850 apr. J.-C. Les données de terrain montrent qu’il existe, pour cette période, une grande standardisation des pratiques funéraires d’un bout à l’autre du massif.
Concernant l’analyse de laboratoire des vestiges osseux et du mobilier funéraire associé, une part importante des activités a porté sur la restauration et l’inventaire du matériel qui est souvent très fragmenté. Pour la restauration des céramiques funéraires, nous avons pu bénéficier de l’appui de l’École nationale de restauration de l’INAH. On compte au total environ 150 récipients qui ont été en partie dessinés et enregistrés dans une base de donnée. L’élaboration d’une sériation fondée sur les données de terrain a permis de proposer un découpage chronologique très fin de la période considérées.
Les restes humains ont, eux, fait l’objet d’un inventaire complet et d’une détermination préliminaire de plusieurs variables biologiques (âge, sexe, NMI, etc.). En outre, divers échantillons d’os envoyés au laboratoire d’analyses isotopiques de l’université de Tübingen ont permis d’établir les teneurs en Carbone 13 et en Azote 15 dans le collagène. Les résultats obtenus révèlent l’importance des plantes à photosynthèse en C4 et la faiblesse des aliments carnés dans la diète des populations du Barajas.

Le Barajas dans les réseaux d’échanges régionaux
Ce troisième volet a pris une part importante dans le développement récent du projet, avec des analyses céramiques et lithiques. Du côté de la céramique, deux études ont permis d’aborder la question des échanges régionaux. La première constitue le sujet de la thèse doctorale de C. Pomédio et porte sur l’étude des décors incisés. Elle se fonde sur une comparaison entre collections issues du Barajas et le matériel provenant d’autres sites de la région. L’analyse croise des critères stylistiques et technologiques qui permettent de distinguer divers faciès régionaux et d’envisager une reconstitution des réseaux d’échange. La seconde porte sur la composition des pâtes céramiques. Elle a permis d’identifier différents centres de production possibles sur la base des matières premières utilisées. Il faut signaler ici l’organisation, en 2007, de deux réunions successives au Colegio de Michoacán (La Piedad) et au CEMCA (Mexico). La première était un atelier réunissant les chercheurs de différents projets dans l’État du Guanajuato et il s’est agi d’harmoniser la terminologie et la définition des types céramiques. La seconde était une table ronde réunissant une trentaine de chercheurs travaillant sur la céramique du Nord-Ouest du Mexique. Cette table ronde, dont la publication est en cours, a ouvert des pistes importantes dans la compréhension des relations interrégionales.
Le matériel lithique, qui est surtout composé d’obsidienne, a fait l’objet, quant à lui, d’une étude typo-technologique (C. Andrieu, U. de Paris X). Celle-ci a permis de définir les modalités d’approvisionnement et de mise en œuvre de cette matière première dont l’origine a pu être établie grâce aux analyses géochimiques effectuées par B. Gratuze (UMR 5060) et M. Glascock (U. of Missouri, USA).
Les analyses paléo-botaniques et la question des paléo-environnements En l’absence d’étude régionale concernant les conditions environnementales à l’époque de l’occupation des sites du massif, nous avons amorcé une recherche fondée sur les vestiges paléo-botaniques recueillis en fouille. Un première étude des graines carbonisées a été réalisée par N. Martínez (doctorante, U. of Arizona) tandis que l’analyse anthracologique a été confiée à M. Elliott (Arizona State University). Dans cette optique il a été nécessaire de refaire récemment (janvier 2008) deux nouveaux sondages dans les contextes stratigraphiques préalablement datés du site de Nogales afin d’obtenir des échantillons plus représentatifs. Par ailleurs, un herbier de référence et un inventaire de la flore locale actuelle ont été constitués. Les résultats des analyses en cours permettront d’évaluer l’utilisation des plantes par les anciens habitants du massif et, peut-être également, d’appréhender l’impact de cette société sur son environnement.

Les efforts se concentrent actuellement sur l’analyse des résultats et leur diffusion sous la forme d’articles, de travaux universitaires et d’une importante monographie.

Bibliographie sélective récente

Bortot, S.
2007. Les structures de stockage du massif de Barajas : une approche fonctionnelle. Thèse de doctorat, Université de Paris I.
Migeon, G. et G. Pereira
2007. La secuencia ocupacional y cerámica del Cerro Barajas, Guanajuato y sus relaciones con el Centro, el Occidente y el Norte de México. In B. Faugère (ed.), Dinámicas culturales entre el Occidente, el Centro-Norte y la Cuenca de México del Preclásico al Epiclásico : trabajos recientes . Colegio de Michoacán/CEMCA, Mexico.
Pereira, G., D. Michelet et G. Migeon
2007. El Cerro Barajas, Guanajuato. Arqueología Mexicana 87, pp. 77-82.
Pereira G. et G. Migeon
2008. El Cerro Barajas, Guanajuato. Aqueología Mexicana 92, pp. 48-51. Il faut noter que, dans le cadre du colloque international Las tradiciones cerámicas del Bajío y zones aledañas en el Epiclásico (octobre 2007), le projet Barajas a fait l’objet de quatre communications désormais sous presse dans un ouvrage collectif.

Responsables
Grégory PEREIRA (UMR 8096)
Membres du projet
Dominique Michelet (UMR 8096)
Gérald Migeon (DRAC Guyane – UMR 8096)
Laure Déodat (UMR 8096)
Collaborateurs du projet
Luz María Flores
(INAH, Centro regional de Guanajuato)
  Chloé Andrieu
(Analyse lithique : U. de Paris X)
Yoko Koga
(Topographie : U. de Aichi, Japon)
Patrice Wuscher
(Pédologie : INRAP)
 Rosario Acosta
(Fouille : chercheur non statutaire UMR 8096)
Michelle Elliott
(Anthracologie : Arizona State University)
Natalia Martinez
(Carpologie : U. of Arizona)
Laurence Astruc
(Tracéologie : UMR 7041)
Antonio Godoy et Rosario Peralta
(Pétrographie)
Dorothée Drucker
(Analyses isotopiques, U. de Tübingen)
  Bernard Gratuze
(Analyses chimiques de l’obsidienne, UMR 5060)
Étudiants ayant réalisé ou réalisant un travail de recherche dans le cadre du projet
Séverine Bortot
(doctorat, U. de Paris I, soutenu en 2007)
Chloé Pomédio
(doctorat, U. de Paris I, 4e année)
  Damian Álvarez
(M1, U. de Las Américas, Puebla)
Juan Jorge Morales
(M2, Colegio de Michoacán, La Piedad)
Autres étudiants ayant participé aux travaux de terrain
Isaac Barrientos (ENAH, Mexico)
Joel Olvera (ENAH, Mexico)