Dates : 2012-2016
Los Altos de Arica est le nom d’une région de hautes-terres du versant occidental des Andes centre-sud, localisée en lisière du désert d’Atacama. Entre 2012 et 2016, une coopération internationale entre Cihde (CONICYT), Archam (CNRS) et l’Universidad de Tarapacá a permis de développer, suivant l’articulation de plusieurs projets, un programme de recherches archéologiques de terrain, avec le double-objectif de documenter l’histoire de son peuplement, sur la longue durée, ainsi que d’engager une réflexion collective sur les enjeux actuels de la patrimonialisation de certains aspects de cette histoire pour contribuer au développement social de ce territoire, aujourd’hui marginal, situé à la frontière du Chili, de la Bolivie et du Pérou.
Problématique scientifique
Comme l’ensemble des territoires andins, les Altos de Arica ont expérimenté, au cours des 15-17ème siècles, un tournant historique relatif à leurs emprises, coup sur coup, aux régimes impérial inca puis colonial espagnol. Inscrit dans les dynamiques de mondialisation de l’époque moderne, cette double conjoncture géopolitique, qui bouleversa le destin des sociétés andines, aboutit, en effet, au plus grand réaménagement territorial et déplacement de population expérimenté sur le continent américain.
L’objectif principal de la mission Arica-Belén, portée par Archam et cofinancée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), fut de documenter, sur la base de données archéologiques, les dynamiques (de résilience, de rupture et de métissage) de ce processus de réaménagement socioterritorial tel qu’il s’est manifesté dans la vallée de Belén localisée à 3000msnm dans le haut-bassin d’Azapa, au pied de l’Altiplano de Parinacota.
Principaux résultats scientifiques
Pour caractériser cette transition historique, le programme de recherches a été développé selon une perspective multiscalaire. Il combina une étude régionale (basée sur la géomatique appliquée à la prospection et à la modélisation des systèmes de peuplement, ainsi qu’à l’archéologie du paysage) avec des opérations de terrain menées à l’échelle des agglomérations résidentielles et des habitations.
Les résultats peuvent être synthétisés selon trois axes qui ont structurés la recherche: 1) le territoire 2) l’habitat et l’économie 3) la chronologie.
Le premier axe, d’essence archéogéographique, a permis de mettre en évidence la densité, l’envergure et l’organisation du peuplement villageois préhispanique tardif au sein d’une région montagnarde aride dont les conditions climatiques imposèrent un aménagement territorial complexe pour l’optimisation des ressources hydriques et le développement d’une économie agropastorale connectée à l’Altiplano voisin.
Le second axe de recherche, qui concerne l’habitat, a permis de produire des données inédites sur l’économie domestique préhispanique. Il en ressort que celle-ci reposait fortement sur les ressources locales, mais aussi sur des apports exogènes, a l’instar de l’ichtyofaune et de la malacofaune en provenance de la côte Pacifique et de l’abondance de camélidés dont la gestion impliquait des interactions constantes avec l’Altiplano. Quant à l’étude de la céramique, elle permit de montrer que la coprésence systématique de différents styles sur les sites et dans les habitations n’est pas un palimpseste produit d’occupations successives de diverses affiliations culturelles, mais que les sociétés montagnardes de los Altos de Arica faisaient un usage contemporain d’une culture matérielle plurielle.
Enfin, d’un point de vue de la séquence chronologique du processus de transition prehispano-coloniale, les études régionales, tout comme les études locales à Belén, suggèrent un abandon rapide et sans retour des villages préhispaniques durant l’époque coloniale ancienne, si ce n’est plus tôt durant l’Horizon Tardif. Il apparaît, en effet, que l’intégration de la région à l’Empire inca produisit des changements significatifs, comme semblent l’indiquer les données produites sur le site de Huaihuarani où la culture matérielle inca est inexistante dans les habitations dont la stratigraphie et les datations radiocarbones indiquent un abandon probablement antérieur à l’époque colonial. Il n’existe, d’ailleurs, aucune trace d’occupation coloniale dans les douze villages préhispaniques qui ont été étudiés, à l’exception de Chajpa-Ancopachane, probable colonie mitima inca, où a été identifiée une occupation coloniale ancienne (pré-1600). En résumé, il semblerait que, dans notre aire d’étude (certes éloignée des grandes centres coloniaux mais située sur un axe commercial majeur, La Ruta de Plata Arica-Potosi), la transition prehispano-coloniale a constitué une rupture particulièrement forte des dynamiques de peuplement ; les causes demeurent à expliquer : épidémie, déplacement de population inca ou colonial dans le contexte de mita pour l’exploitation de ressources naturelles, à l’instar de Potosi par exemple.
Problématique et actions de développement
Localisée au Chili mais anciennement péruvienne et limitrophe avec le Pérou et la Bolivie, la région d’Arica y Parinacota possède une identité andine plurielle et complexe, empreinte d’indigénisme et de nationalisme, à la fois. Ces dernières années ont été marquées par une dynamique de revitalisation des identités andines et de patrimonialisation des territoires montagnards, marginalisés depuis l’acculturation nationaliste chilienne et la valorisation d’une modernité urbaine qui vida les villages andins depuis les années 1950. Dans ce contexte, le programme Altos Arica a donné lieu à de nombreuses actions de recherche participative et de valorisation du patrimoine archéologique.
Bibliographie récente et sélective
Saintenoy, T., F. Gonzalez et M. Uribe Rodríguez 2019. Desde la perspectiva de la isla: la fábrica territorial incaica en la transecta andina del 18°s Arica-Carangas. Latin American Antiquity. Sous presse.
Sepulveda, M. et T. Saintenoy 2018. Investigaciones interdisciplinarias en Chile en el nuevo milenio. Aportes de las colaboraciones franco-chilenas a la arqueología del área centro sur andina. In La cooperación científica francesa en Latinoamérica: recientes avances en datación y arqueometría en los Andes, édité par I. Ghezzi et L. Salcedo, pp. 345-366. Institut Français d’Etudes Andines, Plural Editores, Lima.
Saintenoy, T., R. Ajata, A. Romero et M. Sepulveda 2017. Arqueología del territorio aldeano prehispánico tardío en los Altos de Arica: aportes de la fotointerpretación satelital para el estudio regional de la cuenca alta de Azapa. Estudios Atacameños 54:85-109.
Flewett, S., T. Saintenoy, M. Sepulveda, E.F. Mosso, C. Robles, K. Vega, S. Guttierez, A. Romero, L. Finney, E. Maxey et S. Vogt 2016. Micro XRF Study of Late Pre-Hispanic Ceramics from the Western slopes of the South Central Andes region in the Arica y Parinacota region of northern Chile. New methodological approach. Applied Spectroscopy 70:1759-1769.
Saintenoy, T., D. Aguilera, A. Apaz, J. Marca, R. Santos, K. Rodríguez, F. González, K. Vega, A. Rodríguez, P. Ugalde, M. Rojas, D. Jofré et C. Galeno 2016. Sobre los caminos de los Altos de Arica: donde dialogan la ciencia y la memoria de los saberes andinos. Centro de Investigaciones del Hombre en el Desierto (CIHDE-CONICYT) y Ediciones del Desierto, Arica y Parinacota.
Responsables
Thibault Saintenoy (Cihde-CONICYT, associé Archam-CNRS)
Marcela Sepulveda (Universidad de Tarapacá)
Mauricio Uribe (Universidad de Chile)
Collaborateurs
Alvaro Romero (Consejo de Monumentos Nacionales)
Delphine Joly (Cihde-CONICYT)
Marcos Llobera (University of Washington)
Marta Crespo (Tiipa)
Samuel Flewett (Universidad Católica de Valparaíso)
Valentina Figueroa (Universidad Católica del Norte)
Étudiants impliqués dans le projet
Federico Gonzalez (Universidad de Tarapacá)
Felipe Carvajal (Universidad de Chile)
Miguel Fuentes (University College London)
Katherine Rodriguez (Universidad de Tarapacá)
Katherine Vega (Universidad de Tarapacá)
Rolando Ajata (Universidad de Chile)
Romuald Housse (Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Ruben Santos (Universidad de Tarapacá)
Institutions partenaires
ArchAm (UMR 8096)
Centro de investigaciones del Hombre en el Desierto (CIHDE-CONICYT)
Universidad de Tarapacá
Financements
Ministère de l’Europe et des affaires étrangères (France)
FONDECYT 11121665 et 1130808 (CONICYT, Chili)
Universidad de Tarapacá (Chili)
lien
www.altosarica.com