Aïcha Bachir Bacha

Archéologue à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)

 

 

Tracé géométrique. © Cl. Joulin

Géoglyphe de l'araignée. © Cl. Joulin

Géoglyphe du colibri. © Cl. Joulin

Géoglyphe du singe. © Cl. Joulin

Géoglyphe de l'astronaute. © Cl. Joulin

Géoglyphes tracés sur la Pampa d'Atarco en connexion avec le site de Cahuachi. © Silverman et Pineda, 1988.

Aqueducs de Cantalloc. Image Google Earth.

Le puits en colimaçon facilite l'entretien. ©N. Viault (www.troglos.com)

Intérieur de l'aqueduc. Le plafond est constitué de longues dalles de pierre, les murs de galets pour retenir le sol meuble. © N. Viault

L’Être mythique anthropomorphe représente, peut-être, le dieu Kon. Dessin d'E. Seler, 1923

Géoglyphe d'un oiseau. © Cl. Joulin

Géoglyphe d'un oiseau. © Cl. Joulin

Sites Nazca et aire de concentration des géoglyphes. © Bachir Bacha et Llanos, 2011.

Géoglyphe connu sous le nom de Tumi, vallée de Palpa. © A. Bachir Bacha

Carte satellitaire du Bassin de Rio grande de Nazca.

Il suffisait aux Nazca d’écarter les galets qui recouvrent le désert pour faire apparaître la couche de sable clair, créant ainsi un contraste de teinte.

Géoglyphes tracés dans la Pampa d'Ingenio. © M. Pasos

Tout d’abord, situons les géoglyphes de Nazca…

Ils se trouvent sur la côte sud du Pérou, dans le département d’Ica, à 400 km au sud de Lima. Il s’agit de lignes parfois longues de plusieurs kilomètres, de champs dégagés - campos barridos - et d’imposantes figures mesurant jusqu’à 200 mètres de long, aménagées sur les pampas situées entre les villes de Palpa et Nazca. Les géoglyphes sont concentrés dans les pampas de San José et d’Atarco. Ils marquent aussi les mesetas de Palpa et les flancs des collines qui longent le Rio de Nazca. Le choix de ces lieux n’est pas dû au hasard. Ce sont des lieux sacrés. Les pampas bordées au nord et au sud par des rios qui se rejoignent forment de grands tinkuy. Il suffit de consulter une carte pour les voir.

 

Expliquez-nous…

Dans les Andes, tinkuy en quechua et aussi en aymara signifie : rencontre, union de deux choses, de deux êtres. Un mariage,  mais aussi un combat rituel ou une bataille rituelle sont des tinkuy. Le Rio Ingenio au nord et le Rio Nazca au sud se rejoignent pour donner naissance à un grand tinkuy (voir carte) qui délimite un terrain sacré au sein duquel sont inscrits des géoglyphes. Dans les Andes, les aires situées au confluent de deux fleuves sont encore aujourd’hui considérées comme des lieux sacrés associés au culte de la fertilité.

 

Reste à prendre l’avion pour voir les géoglyphes…

On peut aussi les distinguer depuis le sol. Si vous avez l’œil, vous pouvez voir fuir les lignes en pleine pampa. Déjà, au XVIe siècle, le chroniqueur Cieza de Leon mentionne des signaux tracés sur le sol visibles depuis les collines. En réalité, il suffit de monter suffisamment haut, sur une colline par exemple, pour voir des géoglyphes. Les figures aménagées sur les flancs des collines sont aussi visibles depuis le sol.

 

Qui les a vus du ciel en premier ?

A partir des années 1930-1940, c’est l’aviation militaire péruvienne qui survole les lignes et qui les photographie. Mais la découverte des géoglyphes par le monde scientifique revient à l’archéologue péruvien Toribio Mejía Xesspe qui mène des travaux sur les lignes Nazca dès 1926. Il  présentera ses résultats en 1938 au  27ème Congrès international des américanistes. Selon cet auteur, les lignes correspondent à un système de chemins sacrés – ceques - empruntés lors de cérémonies et de processions.

 

Et à partir de là sont nées les plus folles théories…

Pas tout à fait. Comme je l’ai dit, dans les années 1930, l’archéologue péruvien Toribio Mejía Xesspe explique le pourquoi des lignes et sa théorie est loin d’être fantaisiste. Les lignes constituent des chemins sacrés orientés vers des lieux spécifiques. Ces lieux sont aussi bien des montagnes que des aqueducs, mais aussi des cimetières et des sites archéologiques tels Cahuachi, Estaqueria et Cantalloc, comme le soulignent les archéologues péruviens Carlos Farfan, Miguel Pasos et José Pineda en ce qui concerne Cahuachi.

 

Vous ne citez pas Paul Kosok…

Lui aussi fait partie des pionniers. Ingénieur en hydraulique il a travaillé dans la région de Nazca. Il s’est rendu compte qu’il prenait pour des canaux d’irrigation  ce qui étaient en réalité des figures et des lignes, dont certaines en relation avec la position du soleil au moment des solstices et des équinoxes. Pour Paul Kosok, les géoglyphes formaient le plus grand calendrier du monde. Encouragée par Paul Kosok, Maria Reiche a consacré sa vie à l’étude des géoglyphes, et en particulier à leur technique de traçage. Elle pensait que les géoglyphes avaient un lien avec l’astronomie et qu’ils étaient, pour la plupart, des instruments de mesure du mouvement des astres.

 

Hier, certains auteurs dataient les géoglyphes Nazca de 20 ou 30 siècles. Sait-on précisément aujourd’hui quand ils ont été réalisés ? 

Entre 200 avant J.-C. et 650 après. J.-C. Quelques géoglyphes plus récents seraient datés de l’époque  Huari,  selon  l’archéologue italien Guiseppe Orefici qui fouille le centre cérémoniel de Cahuachi depuis plus de 30 ans.

 

Comment est-on parvenu à dater les géoglyphes ?

Ce n’est pas une mince affaire que de dater les géoglyphes. Les tessons de céramique découverts sur les géoglyphes peuvent nous donner une idée sur leur chronologie.  Mais cette méthode a ses limites car on ne distingue qu’un moment de l’utilisation du géoglyphe et non sa construction. Ce moment correspond au dépôt de la céramique souvent brisée sur place lors des cérémonies. Il ne faut pas oublier que ces constructions ont constamment subi des remaniements, des balayages rituels et les vestiges qui leur sont associés sont dispersés et se renouvèlent constamment. A cela, s’ajoutent les pratiques de « balayage » perpétrées dans les années 1940, en particulier le balayage des géoglyphes figuratifs de la Pampa San José, afin d’obtenir une meilleure visibilité et de pouvoir prendre de meilleures photos. Persis Clarkson et Ronald Dorn semblent être parvenus à dater la matière organique qui se dépose sous la patine de la roche. Il ressort de leurs travaux que les géoglyphes dateraient de 193 avant J.-C. à  648 après J.C.  Si l’on ajoute à ces recherches celles menées sur l’iconographie des céramiques et des textiles et celles de mes collègues allemands (Markus Reindel, Karsten Lambers, Armin Grün) qui travaillent sur les géoglyphes voisins de Palpa, on peut raisonnablement dire que ces tracés ont bien été réalisés, comme je l’ai mentionné précédemment, entre 200 av. J.-C. et 800 après J.-C. Les géoglyphes feraient donc partie d’une tradition qui a duré au moins 1000 ans.

 

Parlez-nous des géoglyphes de Palpa…

Certains sont plus anciens que ceux de Nazca. Leur iconographie ressemble davantage à celle des pétroglyphes et appartiendrait, d’après Markus Reindel et Johny Isla, à la culture Paracas.

 

Comment se présentent-ils ?

Les géoglyphes de Palpa dessinent des lignes, des trapèzes, des triangles, des spirales, des personnages, des têtes… mais aussi des places cérémonielles. On trouve sur place de nombreux tessons de céramique, des petits autels à offrandes et des accumulations de pierres. Les fouilles de géoglyphes ont révélé des coquillages (spondyles), des épis de maïs, du coton, des perles et des morceaux de tissus. Autant de matériel que l’on trouve fréquemment sur les sites archéologiques sous forme d’offrandes déposées dans les remblais. Par ailleurs,  les archéologues ont aussi mis au jour à Palpa des trous de poteaux. A voir leur profondeur, les poteaux devaient mesurer plusieurs mètres de haut et étaient donc repérables de loin. Les géoglyphes s’inséraient dans un paysage dynamique, en particulier lors des cérémonies dirigées par des protagonistes qu’on imagine parés de vêtements, de coiffes et de masques somptueux. On est loin de l’image désolée du désert actuel.

 

Schématiquement, les géoglyphes se composent de motifs figuratifs bien connus du public et de tout un ensemble de lignes et de tracés géométriques. Les premiers sont-ils plus anciens que les seconds ?

Les représentations du condor, du colibri, du singe et de l’orque…  pour ne citer que quelques exemples, se retrouvent aussi sur les céramiques et les textiles attribués au Nazca ancien (50 av. J.-C. 350 ap. J.-C.). C’est pourquoi, il est admis que les géoglyphes figuratifs sont plus anciens que les lignes. Ces dernières ont été assignées au Nazca moyen (350-450 ap. J.-C.) et au Nazca tardif (450-650 ap. J.-C.), époques durant lesquelles ont proliféré les tracés géométriques et les lignes. Il est vrai que certaines lignes traversent des motifs figuratifs. Mais les travaux de terrain menés par plusieurs chercheurs dans la Pampa de Nazca ont démontré que des lignes aussi ont été construites durant la période du Nazca ancien. Les figures aménagées sur les flancs semblent être plus anciennes, elles sont de taille relativement petite (20 à 30 m) ; leur iconographie rappelle celle des Paracas, je pense en particulier au fameux Ser Ocualdo.

 

Pourquoi dit-on que les lignes – qui peuvent mesurer jusqu’à 11 kilomètres de long, comme celle qui relie La Ventilla à Cahuachi – ont été réalisées par des extra-terrestres ?

Parce que certains refusent de croire que des civilisations aussi anciennes et de surcroit implantées si loin de l’Ancien Monde, disposaient d’ingénieurs, d’architectes et de constructeurs capables de réaliser pareil ensemble. Même si la construction des géoglyphes est simple, il fallait convaincre les populations de les réaliser et les mobiliser autour de rituels, et cela sur une longue durée. Ce qui témoigne d’une organisation religieuse et politique complexe. On est loin de l’idée selon laquelle ces anciennes sociétés étaient constituées de simples paysans et d’artisans excellant dans la fabrication des céramiques et des textiles.

 

Revenons à Maria Reiche. Pourquoi ses travaux n’ont-ils pas convaincu la communauté scientifique ?

La communauté scientifique a longtemps attendu une sorte de révélation. Que l’un de ses membres développe la théorie qui va tout expliquer. Or les travaux de Maria Reiche n’ont pas répondu à cette attente. Toutes les lignes ne coïncident pas avec la chute ou l’apparition d’astres et il en est d’innombrables qui peuvent pointer en direction de n’importe quelle étoile. On a également reproché à Maria Reiche de n’avoir pas tenu compte des phénomènes astronomiques visibles dans la latitude sud, ni de leur importance dans les croyances des populations andines.

 

D’autres chercheurs ont donné une interprétation religieuse aux dessins en s’appuyant sur le fait qu’ils sont tournés vers le ciel...

D’après Maria Rostworowski, les grandes figures ont été conçues pour être observées depuis le ciel, et sans doute étaient-elles destinées au dieu Kon, principale divinité des Paracas et des Nazca. Les mythes relatent que ce dieu possède la capacité de voler. Sur les céramiques et les textiles Nazca, il est représenté tenant des plantes et des têtes trophées. Ainsi, les Nazca auraient réalisé ces figures pour montrer au dieu Kon, survolant les pampas, que ses fidèles l’attendent. Toujours selon cet auteur, les figures représenteraient les différents lignages, les artisans, les devins et les prêtres. Les lignes et les places seraient donc dédiées aux cérémonies, aux sacrifices et aux danses en l’honneur de Kon. C’est ainsi que les Nazca auraient communiqué avec leur divinité ailée, présente dans l’air, le vent, la mer et la terre. Il est probable que la venue du dieu Kon sur la côte aurait coïncidé avec l’arrivée de l’eau des hautes terres - la sierra - indispensable à la vie sur la côte.

 

Pensez-vous que les géoglyphes avaient plusieurs fonctions ?

Les géoglyphes présentent une grande diversité de formes.  Les figuratifs comptent essentiellement des sujets naturalistes, parfois associés à des lignes. Dans la catégorie des linéales on distingue des lignes, des trapèzes, des méandres, des zigzags et des spirales. Les champs dégagés se présentent sous forme de trapèzes, de triangles et de rectangles. Les dimensions, les modes de constructions et les contextes archéologiques qui leur sont associés sont, eux aussi, variés. Je ne prétends pas que chaque type ou catégorie correspond à une fonction, mais à mon sens, les géoglyphes répondent à des activités mêlant le sacré et le profane. Les géoglyphes figuratifs tracés d’une seule ligne et dotés d’une entrée et d’une sortie étaient réservés aux danses et aux marches rituelles. En les empruntant, les acteurs dessinaient des figures vivantes. Si l’on considère qu’elles étaient difficilement repérables depuis le sol et qu’elles étaient destinées aux dieux, alors les figures de moindre dimension, situées sur les flancs des collines, visibles des élévations voisines et des vallées, auraient constitué un moyen de communication destiné à un large public. J’ajoute qu’il est difficile de les parcourir et qu’elles sont dépourvues de matériel archéologique.

 

Et la piste la plus longue ?

Le chemin de Leguía, long de 11 km, relie deux établissements Nazca importants, Cahuachi et la ventilla. Cette piste était empruntable lors d’une procession, mais c’est aussi un chemin qui pouvait être fréquenté quotidiennement pour circuler entre les deux sites. D’autres lignes constituaient éventuellement des repères pour se déplacer dans la pampa ou bien reconnaitre des lieux clés.  Un phénomène important à signaler réside dans la constante construction, remaniement et transformation de bon nombre de géoglyphes, alors que d’autres apparaissent inachevés ou bien très peu utilisés. C’est pour cette raison que certains chercheurs (William H. Isbell, Clarkson, Reindel) pensent que la raison d’être des géoglyphes réside dans leur propre construction. Ce fait n’est pas loin de rappeler une pratique courante dans le Pérou préhispanique que l’on observe dans les centres cérémoniels comme à Cahuachi. Il s’agit de l’enterrement et de la rénovation des temples que les chercheurs attribuent à une relance économique, technologique et idéologique. On peut penser qu’il en est de même pour les géoglyphes.  En général, les chercheurs s’accordent sur le fait qu’ils ont un lien avec des cultes voués aux montagnes et à l’eau dont dépendaient la fertilité des champs agricoles et la survie des hommes dans ce désert. Quantité de lignes pointent vers des collines ou plutôt des élévations qui ne sont pas forcement de grands cerros mais qui dans les croyances andines figurent des montagnes.

 

Notamment quand elles pointaient en direction de sources…

Pas forcément. Une colline constitue souvent un lieu sacré (huaca) ou un seigneur protecteur (apu), mais elle évoque aussi les hautes terres - la sierra -. Les rios qui traversent le désert côtier prennent leur source dans la sierra. Il existe des géoglyphes qui pointent vers des aqueducs appelés puquios, d’autres vers des établissements, des cimetières comme je l’ai déjà mentionné. La hiérarchie des tracés concorde avec celle des sites, les plus imposants et les plus complexes se trouvant à proximité des établissements importants.

 

Que sait-on aujourd’hui des géoglyphes figuratifs, comme celui de l’araignée ou du singe par exemple ?  

Le travail mené par Reinhard est un apport important. En se fondant sur des données ethno-historiques et ethnographiques, Reinhard suggère que la construction des géoglyphes est en relation avec les lieux sacrés notamment des montagnes, afin de favoriser l’arrivée de l’eau. Il étaye son propos en expliquant que le colibri est considéré comme le messager des dieux des montagnes ; que l’araignée  - souvent associée au tissage - est aussi signe de pluie dans les croyances actuelles ; que le singe, animal de la forêt – selva - est considéré comme protecteur de l’eau ; et, à propos des chiens, les chroniques relatent que les Incas les attachaient et les laissaient aboyer de faim jusqu’à ce que les dieux compatissent et envoient la pluie.

 

Comment les Nazca procédaient-ils pour réaliser leurs gigantesques figures ?

Les pampas constituent de grands territoires plats s’étendant sur 300 à 700 km2, couvertes de couches de sable et de galets gris-rouge. La technique de base consiste à écarter ou à enlever la couche de galets plus ou moins sombre, pour faire apparaître la couche de sable plus claire créant ainsi un contraste.  Il existe plusieurs façons de construire un géoglyphe  : en enlevant cette première couche et en entassant les cailloux le long de deux tracés pour former une sorte de muret haut de 20 centimètres à 1 mètre ; ou en inversant cette technique, c'est-à-dire que le géoglyphe est formé par une accumulation de pierres et que ses bords sont dégagés. Le tracé des grands dessins a sans doute été réalisé en utilisant des piquets et des cordes. Une autre technique consiste à éliminer les cailloux autour de la figure et à les accumuler en son centre. D’après une expérience de reconstitution de géoglyphes réalisée par Antony F. Aveni, des personnes peuvent apprendre à tracer des géoglyphes en moins de deux heures. En tenant compte de cette expérience, on peut supposer que 100 personnes peuvent déblayer 2000 m2 en deux jours. La reconstitution d’Aveni semble plausible. Une fois l’aire délimitée avec des cordes et des piquets, une équipe rassemble et empile les pierres, une autre les enlève afin de définir le tracé, et pour s’assurer que les bords sont bien droits, un contremaitre posté au centre de la ligne dirige des ouvriers tenant des bâtons installés sur les bords. En prospectant dans la pampa, les archéologues ont en effet découvert des amas de pierre laissés par les Nazca sur les espaces dégagés.

 

Comment explique-t-on la bonne conservation des géoglyphes après plus de deux millénaires ?

Le contexte désertique est propice à leur conservation. La chaleur diurne et l’humidité nocturne permettent la fixation des pierres dans une terre argileuse et gypseuse. Par ailleurs, le vent qui souffle sur la pampa balaie les particules fines qui auraient pu, au long des siècles, s’accumuler et recouvrir les tracés. L’absence de plantes et de pratiques agricoles, la rareté des pluies sont aussi à l’origine de la conservation des géoglyphes. Ils ont souffert des alluvions, mais seul l’homme est capable de les effacer ; l’homme représente d’ailleurs un danger permanent, je pense en particulier à l’avancée urbaine, à la construction de routes, de lignes électriques et au vandalisme.

 

Pourquoi les figures sont-elles aussi grandes ?

Le support se prêtait parfaitement à ces grands dessins. Les Nazca disposaient de l’immensité du désert et du talent de leurs ingénieurs et architectes. Ceux là même à qui l’on doit la construction des pyramides du centre cérémoniel de Cahuachi et celle des monuments d’autres établissements, sans oublier les célèbres galeries filtrantes de Nazca, appelées puquios. Ils connaissaient parfaitement leur environnement et leur géographie sacrée.

 

Le centre cérémoniel de Cahuachi est-il contemporain des géoglyphes ?

Le centre cérémoniel en lui-même est contemporain des géoglyphes ; son architecture pyramidale apparait vers 200 avant. J.-C. Néanmoins, le lieu est fréquenté ou peut être même occupé dès l’époque précéramique.

 

Les mythes aident-ils à la compréhension des géoglyphes ?

La symbolique des géoglyphes peut être approchée au travers des mythes. Par exemple, le Cerro Blanco, une grande dune de  2000 m d’altitude est souvent cité dans les sources historiques comme l’un des lieux sacrés du peuple Nazca. Les lignes de Cantalloc se localisent au pied de cette montagne de sable et l’on peut facilement les observer traversant les petites collines proches de Cerro Blanco. Une légende raconte que, confronté à une longue sécheresse, le peuple avait marché jusqu’au Cerro Blanco qui était son principal lieu d’adoration. Viracocha était alors descendu du ciel, et en écoutant les pleurs des gens, de chagrin ses larmes coulèrent sur la pente de Cerro Blanco et pénétrèrent dans le sol, et c’est ainsi que furent créées les puquios. En 1988, on a raconté à Johan Reinhard qu’un homme a découvert une galerie qui l’a mené à l’intérieur de Cerro Blanco où il a trouvé une vaste chambre avec une chute d’eau et une lagune.

 

Après toutes vos explications, peut-on conclure qu’il n’y a plus de mystères ?

Non, il en reste évidemment encore beaucoup à éclaircir.

 

Par exemple ?

En premier lieu, il reste à établir une documentation complète et détaillée des géoglyphes, et à effectuer des relevés précis et systématiques de tous les tracés. Comprendre la géomorphologie et la géologie du territoire Nazca, l’exploration des vallées à la recherche d’anciens vestiges de canaux d’irrigation et  de sources aquatiques permettra sans doute aux scientifiques d’établir le lien entre géoglyphes et eau.

Propos recueillis en 2012

bacha@ehess.fr

Pour en savoir plus

LLANOS JACINTO, Oscar Daniel, 2009. Le bassin du Rio Grande de Nazca, Pérou. Archéologie d'un État andin 200 av. J.-C.- 650 ap. J.-C. Archaeopress Publishers of British Archaeological Reports, Oxford.