Dernière région de l’Amérique à avoir été colonisée, l’Arctique nord-américain fut peuplé par l’ouest quelque 1500 ans après la fin du retrait glaciaire que l’on date de 6 000 à 5 000 avant le présent. Suite à un peuplement ancien (autour de 12 000 avant le présent), l’histoire culturelle à proprement parler de l’Arctique— du détroit de Béring au Groenland — a été rythmée par plusieurs mouvements migratoires au cours des derniers 4 500 ans. Le cadre chrono-culturel de cette préhistoire est divisé en deux traditions, le Paléoeskimo et le Néoeskimo, termes forgés dans le cadre des théories évolutionnistes du début du xxe siècle sur l’origine des « Eskimo ». Ayant acquis depuis un contenu et un sens archéologiques, ces deux traditions regroupent des cultures matérielles et des modes de subsistance bien distinctes. Le Paléoeskimo désigne les formations archéologiques les plus anciennes, du littoral alaskien jusqu’au Groenland, caractérisées par une industrie souvent microlithique et une adaptation mixte aux ressources terrestres et côtières. Il englobe parfois des développements culturels indépendants, à l’est et à l’ouest, qui font suite au peuplement initial. De son côté, le Néoeskimo qualifie les chasseurs-cueilleurs des deux derniers millénaires, qui vivaient principalement de l’exploitation des ressources marines et avaient développé des techniques optimales de chasse. Les derniers porteurs de cette tradition, les Thuléens, colonisèrent l’Arctique oriental à partir du xiiie siècle et sont les ancêtres directs des Inuit actuels. Au moment du contact avec les Russes et les Euro-Américains, les habitants de l’Arctique — Inuit, Inupiat, Yupiit ou Kalaallit — étaient organisés en tribus aux territoires distincts. Au nord-ouest de l’Alaska, par exemple, l’ethnohistorien E. S. Burch parle de véritables « nations » indépendantes se partageant les ressources selon un système complexe d’alliances et de conflits, de rassemblements et de rituels soigneusement orchestrés. Ces nations faisaient partie d’un réseau d’échanges plus global prenant sa source en Asie et contrôlé, au niveau du détroit de Béring, par les Tchouktches. Un tel système socio-économique ne s’applique pas nécessairement à l’Arctique oriental, où les relations intertribales, sans être nécessairement plus amicales, étaient plus rares.